BAM !
Bibliothèque Associative de Malakoff
Hommage aux mutins de Craonne
Categories: Brèves

 

Vendredi 1er juillet 2016, à Fricourt (Somme), le secrétaire d’État aux anciens combattants Todeschini faisait retirer la chanson de Craonne du programme d’une cérémonie franco-allemande pour commémorer la bataille de la Somme. Cette chanson issue des tranchées de 1917 exprime non seulement le dégoût de la guerre mais aussi plus particulièrement le rejet de l’union nationale, c’est-à-dire le fait pour celles et ceux qui ne possèdent rien d’aller mourir pour les intérêts de la bourgeoisie.

Cet épisode de censure, alors que la chanson n’était plus interdite dans l’espace public depuis 1974 n’est pas vraiment étonnant même s’il témoigne de la fuite en avant autoritaire et rétrograde du pouvoir, et ce même sur des questions en apparence symboliques. Avant cela, en mai dernier l’assemblée nationale avait refusé la réhabilitation des fusillés pour l’exemple de 14-18 !

Le gouvernement PS actuel est bien l’héritier des appareils socialistes qui en 1914 trahissaient les promesses de l’internationalisme prolétarien (« les prolétaires n’ont pas de patrie », « paix entre nous, guerre aux tyrans », etc) en soutenant l’entrée en guerre de la France à l’instar d’ailleurs de l’immense majorité des réformistes et révolutionnaires européens qui à l’époque succombaient massivement au chauvinisme. La grande guerre n’a pas été qu’une grande boucherie, elle a été aussi une défaite politique pour le mouvement ouvrier dont on n’a pas fini de payer le prix.

En France spécifiquement, l’opposition au militarisme et à l’impérialisme bleu blanc rouge est toujours relativement faible pour ne pas dire inexistante, alors que les expéditions néo coloniales (Mali, Centrafrique), et les interventions militaires (Afghanistan, Libye, Syrie, Irak, etc) continuent d’être monnaie courante. Ajoutons que l’État français est en train de passer au 2e rang des marchands d’armes dans le monde (devant la Russie !) enfin « notre » état est en ce moment également impliqué dans la sanglante guerre « civile » au Yémen.

Ce pays dans lequel nous vivons porte donc une lourde responsabilité dans le chaos du monde, tout en parvenant à être assez peu critiqué pour ses crimes. L’épisode « Je suis Charlie » et depuis les attentats du 13 novembre ont été des occasions -pour l’État et les médias bourgeois – plutôt réussies de faire passer la France pour une victime vertueuse qui ne ferait que se défendre face aux méchants terroristes, lesquels s’attaquant selon le discours dominant uniquement à cette dernière parce qu’elle incarnerait la liberté. Là encore bien peu de progressistes et/ou révolutionnaires s’opposent à ce rouleau compresseur belliciste. Dans ce contexte il n’est pas étonnant qu’une chanson dont le message déconstruit la propagande de guerre soit censurée même un siècle après.

On sait que la campagne présidentielle portera sur l’identité, la nation et l’ordre y compris du côté de la « gauche de gauche« , c’est dans ce contexte sinistre que s’inscrit cet épisode …

Rappelons-nous comme le disait Liebknecht que hier comme aujourd’hui l’ennemi principal est dans notre propre pays.

À bas l’union sacrée !

source : PLI

 

Chanson de Craonne, 1917

Quand au bout d’huit jours le repos terminé
On va reprendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile
Mais c’est bien fini, on en a assez
Personne ne veut plus marcher
Et le cœur bien gros, comm’ dans un sanglot
On dit adieu aux civ’lots
Même sans tambours même sans trompettes
On s’en va là-haut en baissant la tête

Refrain :
Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes
C’est bien fini, c’est pour toujours
De cette guerre infâme
C’est à Craonne sur le plateau
Qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C’est nous les sacrifiés

Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance
Pourtant on a l’espérance
Que ce soir viendra la r’lève
Que nous attendons sans trêve
Soudain dans la nuit et dans le silence
On voit quelqu’un qui s’avance
C’est un officier de chasseurs à pied
Qui vient pour nous remplacer
Doucement dans l’ombre sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes

Refrain

C’est malheureux d’voir sur les grands boulevards
Tous ces gros qui font la foire
Si pour eux la vie est rose
Pour nous c’est pas la même chose
Au lieu d’se cacher tous ces embusqués
F’raient mieux d’monter aux tranchées
Pour défendre leurs biens, car nous n’avons rien
Nous autres les pauv’ purotins
Tous les camarades sont enterrés là
Pour défendr’ les biens de ces messieurs là

Refrain :
Ceux qu’ont le pognon, ceux-là reviendront
Car c’est pour eux qu’on crève
Mais c’est fini, car les troufions
Vont tous se mettre en grève
Ce sera vot’ tour messieurs les gros
De monter sur le plateau
Car si vous voulez faire la guerre
Payez-la de votre peau

 

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